Ma rencontre avec l’enchantement a eu lieu à l’âge de 18 ans… devant une cour d’assises.
Le tribunal de Bastia en Corse était fréquenté par les plus grands ténors du barreau et j’ai eu la chance d’assister à une plaidoirie qui m’a bouleversé, parce que l’avocat a su retourner le jury par son talent et l’alchimie de ses mots qui lui ont permis d’obtenir l’acquittement de son client. En sortant du tribunal, le public était ému, touché, transporté par sa plaidoirie et les femmes corses, qui se rendaient au palais de justice comme on allait autrefois au théâtre, apprêtées avec de grands chapeaux, sont venues spontanément vers moi en me disant : cet avocat, il nous a enchantées !
Le métier d’avocat est l’un des rares métiers qui professionnalise le changement des croyances par l’art de convaincre et la magie des mots. Ce talent d’émouvoir est également très utile en politique. Et c’est Max Weber, le premier, qui compare le pouvoir charismatique des chefs politiques et leur parole à une forme d’enchantement.
Ce n’est pas un hasard si depuis 1848, parmi les 26 présidents français élus, 11 présidents (près de la moitié), étaient avocats de formation. Aux Etats-Unis, ce phénomène est encore plus net : parmi les 45 présidents élus depuis 1789, 25 étaient d’anciens avocats. A l’échelle internationale, Gandhi et Nelson Mandela ont d’abord exercé ce métier avant de mettre leur force de persuasion et leur charisme au service de leur peuple… et de l’humanité.
L’avocat est peut être un des catalyseurs de l’émotion d’enchantement… Il a été pour moi le déclencheur d’une envie de recherche : mon intuition était que l’enchantement ne se réduisait pas uniquement à l’effet de l’éloquence ou du charisme politique selon Weber mais qu’il représentait un enjeu sociétal et humain beaucoup plus riche et plus vaste et qu’il fallait mettre en lumière ce mécanisme d’influence.
Personnalités sur l’illustration : John Adams, Raymond Poincaré, Gandhi, Nelson Madela
